L’immense majorité des opérateurs d’assurances s’est lancée dans l’implémentation d’un outil de gestion relation client (généralement assis sur un progiciel de marché). Les dispositifs en place sont rarement optimaux car ils rencontrent toute une série de difficultés à résoudre.
Au cœur des difficultés, la connexion de la plateforme avec le reste du SI. Souvent packagés et industrialisés, les CRM doivent remplacer et/ou s’interfacer avec une multitude d’applications métier de gestion (moteur de tarification, souscription de contrats, gestion du sinistre, etc.). Or, la conception des interfaces rend souvent coûteux, long et complexe le projet CRM.
Autre écueil actuel: la sécurité des données clients. Les dispositifs CRM sont souvent basés sur un stockage des données dans le Cloud. Les Directions de la Sécurité chez les bancassureurs craignent les projets où la gouvernance de données n’est pas maitrisée. Raison évoquée : la sureté des données sensibles et personnelles qui ne respectent pas le RGPD. Preuves à fournir: cryptage sophistiqué en base de données, sauvegarde et anonymisation des données, traçabilité des incidents de la solution sur des serveurs identifiés, etc.
Au-delà des difficultés, la mise en œuvre des dispositifs CRM suscite encore de nombreuses questions pour les assureurs :
● Comment s’assurer de collecter l’ensemble des informations disponibles ?
● Est-on confiant de la qualité des données ?
● Comment intégrer des données non structurées (échanges de mail, échanges en face à face, éléments issus de réseaux sociaux) ?
● Comment générer les bonnes opportunités adressées aux bons commerciaux ?
● Comment identifier les opportunités cachées; celles qui n’ont pas encore fait l’objet d’une demande formelle du client ?
● Comment s’assurer d’un suivi efficace du traitement des opportunités ?
● Comment traiter et enregistrer le feedback du client ?
● Comment interagir efficacement avec les réseaux intermédiés et des distributeurs partenaires pour collecter et traiter l’information ?
Le CRM dans les mutuelles et sociétés d’assurances est souvent moins mature si on le compare aux meilleurs dispositifs du marché depuis les opérateurs de téléphonie mobile en passant par les meilleurs commerçants en ligne comme Amazon.
Quelques compagnies tirent leur épingle du jeu
Covéa(1), leader de l’assurance auto et habitation en France s’est interrogé dès 2017 sur l’intérêt de refondre sa plateforme CRM. Objectif visé: rechercher de la convergence dans le groupe, tout en préservant les spécificités de ses trois marques Maaf, Mma et Gmf. Covéa a mené un diagnostic pour balayer les enjeux d’organisation, les éléments d’architecture, les aspects sécurité règlementaire et les impacts de gouvernance inhérents à l’existence de plusieurs marques. Conviction établie, le Groupe a réalisé trois proof of concept en condition réelle dont un sur la gestion de sinistres (Source Salesforce Word Tour Paris 2018).
Comme de nombreux assureurs, Axa fait face à une hausse de clients utilisant plusieurs canaux pour entrer en relation. Face à cette situation, le Groupe a décidé récemment de refondre sa plateforme CRM pour son offre santé.L’assureur a choisi une plateforme d’engagement client disposant de services applicatifs qui couvrent tous les canaux d’acquisition : email, sms, web, call back, téléphone, réseaux sociaux, courrier.
Matmut (1) avec 6200 collaborateurs et plus de 3 millions de clients ambitionne d’exceller en service client. En 2018, le Groupe a lancé Smart, son programme de transformation client co-sponsorisé par la DSI et la Relation client. Réunissant collaborateurs des services de gestion et indemnisation, des agences au côté des développeurs dans la « Smart room », Matmut a déployé Salesforce auprès de 200 employés en Juin et vise 4000 utilisateurs en fin d’année. Résultat: Matmut est numéro un de l’Expérience Sociétaires selon l’Etude Forester 2019, avec 92% de clients satisfaits post-sinistre.
Comment ces assureurs réussissent-ils leur programme CRM ?
En amont, ils analysent tous leurs processus existants et se posent la question de quel élément de la chaine de la relation client améliorer. Puis, ils décrivent leur modèle relationnel « cible ». Ils ont tous en commun une approche pragmatique. La solution CRM n’est pas perçue comme un outil « miracle » mais comme un moyen d’atteindre des objectifs réalisables.
Au moment de faire le choix de la solution et des fonctionnalités, ils se font accompagner par des experts. Un CRM réellement performant doit à minima revêtir les caractéristiques suivantes :
• Être multi accès et être doté d’une très grande réactivité
• Disposer de canaux d’alimentation manuels et automatiques avec mise à jour en temps réel
• Intégrer toute forme de données d’où qu’elles viennent
• Être capable de générer des actions sur instruction ou spontanément
• Disposer d’un outil de suivi performant
• Être ouvert pour faciliter un enrichissement mutuel avec des fichiers externes ou d’actions CRM issues de partenaires ou de sociétés récemment acquises
• Être compatible avec les normes de sécurité fixées par l’entreprise ou par la réglementation (RGPD).
Dans la mise en œuvre du projet, ils utilisent des méthodes de management participatives et collaboratives. Les assureurs qui imposent le projet en interne en mode « big bang » échouent à mettre en place leur CRM. L’agilité et le Management 2.0 servent de leitmotivs à la réussite du programme avec pour crédos :
• D’embarquer les métiers dès le démarrage du programme,
• De lotir le projet, le découper en fonctionnalités (appelées user stories),
• De communiquer sans cesse avec les parties prenantes grâce à des démonstrations et des cérémonies.
Isabelle Le Bot(1), Responsable des Relations Sociétaires à la Matmut, reconnaît avoir lancé Smart, le programme CRM de la même manière qu’on lancerait un nouveau produit. La campagne de communication a été savamment orchestrée, alternant teasing, actions de communication quotidiennes, et un « tour de France » pour rencontrer les agences avant même que la solution ne soit livrée en production.
Les compagnies d’assurances peuvent également s’inspirer de ce qui est fait dans d’autres secteurs. Par exemple, Adecco a déployé le dispositif d’amélioration continue de l’éditeur Insight Board (1) qui s’appuie sur différents leviers innovants :
• Le « Mur des News » qui donne toutes les informations sur le projet CRM en temps réel
• Le « Training pass » connecté aux E-Learning existants permettant à chaque collaborateur utilisant le CRM de vivre un parcours de formation personnalisée
• Le « Succes board » qui mesure les usages de la plateforme CRM via KPI.
• Le « Moteur de recommandation intelligente » (AI) qui permet aux utilisateurs de savoir au bon moment quelle formation suivre, action faire, document lire et quel ambassadeur écouter pour améliorer l’engagement.
En conclusion, un des écueils principaux est de croire que le projet CRM s’arrête une fois l’outil mis en production. L’outil CRM est basé sur des processus pour gérer des clients. Or, les processus évoluent et les comportements des clients aussi ! Le dispositif CRM mis en place doit donc s’adapter en permanence et accompagner les évolutions des processus et clients pour rester efficace et adapté.
Le CRM est également un outil transverse, il est important d’avoir un sponsoring du top management, de façon à inclure le programme dans une démarche stratégique pour l’entreprise et mobiliser tous les acteurs dans une dynamique d’amélioration continue.