banniere aubay

< Tous les articles

Oct 27, 2021

Analyse du livre : « Accelerate. Building and scaling high performing technology organizations »

 

« Accelerate. Building and scaling high performing technology organizations » Forsgren, Humble & Kim. 2018

 

Démontrer ‘scientifiquement’ l’apport de performance d’une pratique agile/devops/IT

 

Il s’agit dans ce livre d’exposer des pratiques qui rendent l’organisation plus performante (plus pertinente pour ses clients ou utilisateurs) tout en étant moins corrosive pour ses employés (réduire les burn out).

Une originalité du livre est de proposer une approche plus scientifique que de simples retours d’expériences. Les auteurs cherchent à prouver leurs préconisations par des études statistiques qui permettent de corréler la performance mesurée et les pratiques mises en œuvre.

J’évoque dans ce papier trois types de pratiques mesurées et corrélées d’après les études des auteurs à de bonnes performances : la culture, les pratiques techniques et le leadership. (L’ensemble des pratiques et leurs corrélations avec des effets bénéfiques se trouve dans « l’accelerate global view » https://bit.ly/dora-bfd )

Je trouve particulièrement intéressante l’approche des auteurs pour « mesurer » la culture et le leadership. Et notamment la méthode utilisée pour corréler statistiquement culture et leadership avec un résultat observable.

Tout d’abord, une erreur lorsqu’on souhaite « agiliser » une organisation

 

L’erreur est de vouloir déployer un cadre unique, sans s’appuyer sur des mesures ni des observations du paysage. Traiter la transformation comme un programme top-down et non comme la création d’habitudes d’apprentissages, d’expérimentations et d’auto améliorations.

Mesures de la performance d’une organisation

 

Qu’est-ce que la performance d’une organisation et comment la mesure-t-on ? Je vais vite et focalise directement sur les mesures concrètes, accessibles par les équipes IT. Quatre mesures sont proposées :

  • Le delivery lead time (durée depuis le commit du code à son exécution en prod)
  • La fréquence de déploiement (en prod ou sur un store), vu aussi comme une bonne approximation du « batch size » c’est-à-dire la taille des unités traitées et déployées qui doivent être aussi petites que possible
  • La durée pour restaurer un service cassé (Mean Time To Restore)
  • Le taux d’échec des déploiements (qui nécessitent un restore)

NB : elles mesurent des « outcomes » c’est-à-dire non pas seulement des livrables (« outputs »), mais des impacts sur des utilisateurs cibles.

Dans la suite nous verrons d’autres mesures – de comportements ou de réalités observables dans une organisation – et c’est avec ces quatre indicateurs ci-dessus que les auteurs cherchent à les corréler. (En fait pas seulement ces quatre ci, le taux de burn out est aussi, par ex., une mesure avec laquelle les auteurs cherchent à établir des corrélations).

Mesurer l’impact de la culture d’entreprise

 

Il s’agit de mesurer la culture d’une organisation pour tenter de trouver une corrélation entre cette culture et les mesures de performances précédentes. La culture est décrite comme l’une de celles proposées par Ron Westrum :

  • Pathologique (vise le pouvoir),
  • Bureaucratique (vise les normes),
  • Générative (vise la performance).

Chaque « culture » est décrite par une liste de caractéristiques. On propose alors aux personnes qui travaillent dans l’organisation de noter sur une échelle dite de Likert (par ex. « A votre avis, cette caractéristique se trouve-t-elle dans votre organisation ? » : « 1 totalement absent », « 2 très peu présent », « 3 partiellement présent », etc.), la présence ou l’absence de ces caractéristiques pour déterminer laquelle des trois cultures est celle de leur organisation.

Il ressort des études qu’une culture Générative, caractérisée par la confiance dans les employés et la promotion de leurs collaborations, favorise (est corrélée) à de meilleurs Lead time, fréquence de déploiement et durée pour restaurer. Là vous pourriez pensez « oui évidemment ». L’originalité du bouquin n’est donc pas tant ce constat, que sa démonstration statistique (ou au moins, l’effort pour démontrer).

Cette culture Générative se caractérise par : de la coopération, une remontée franche des problèmes et des risques, des passerelles et pas de territoires, d’enquêter sur les échecs et non pas de punir, d’expérimenter.

Exemples de pratiques techniques

 

Dans cette même approche de mesure et de corrélation entre des comportements et les performances, nous pouvons citer quelques exemples de pratiques techniques :

  • Investir dans l’automatisation des tests de non régression et des déploiements.
  • En gestion de configurations, « Merger » très souvent et n’ouvrir que trois branches simultanées. Rapidement intégrer les évolutions développées, dans la branche principale.
  • Impliquer fortement les Développeurs dans la création/maintenance des scénarios de tests automatisés : parce qu’ils comprendront mieux le code à produire, les fonctionnalités et parce qu’ils auront plus à cœur que les tests passent.
  • Visualiser les travaux en cours (WIP work in progress) et minimiser ce flux pour en augmenter le débit. Mesurer le flux tous les jours de façon automatique (débit, lead time). Et décider sur ces bases. C’est le travail du leader de protéger l’équipe d’une submersion de WIP.

L’Impact des leaders / managers sur les performances

 

Les auteurs se réfèrent au modèle de Raffertty et Griffin (2004) pour décrire le « Transformation Leader » avec cinq caractéristiques : une vision (où serons-nous dans 5 ans ?), une communication positive et mobilisatrice, la remise en question des habitudes ou des hypothèses, le souci des collaborateurs et de leurs motivations, la reconnaissance de chacun.

Là encore, ils interrogent les membres d’une organisation pour mesurer sur une échelle de Lickert l’existence de ces caractéristiques et donc le leadership en présence. Et ils constatent une corrélation négative entre de bons niveaux des quatre indicateurs de performance et un faible Transformation Leadership. C’est-à-dire qu’un faible leadership bloque les progrès des équipes.

Pourquoi pas plutôt une corrélation positive entre bon leadership et de bonnes performances ? Et bien parce que ce n’est pas ça le constat. Et l’explication en serait que le leadership n’est pas le seul facteur nécessaire à de bonnes performances. Mais il apparait bien comme un « must ».

NB : remarquons le delta entre Servant Leadership et Transformation Leadership. Le premier est inclus dans le second et serait plutôt caractérisé par le souci de chacun, dans le but de développer ses potentiels. Le Transformation Leadership focalise plutôt sur un but vers lequel amener tout le monde.

Pour conclure

 

Je trouve ce livre utile pour préciser ou tenter de définir des notions souvent trop floues, telles que le la « performance », le « leadership » ou la « culture » d’une organisation. Mais bien sûr, en précisant ces notions on met le doigt dans des énoncés contestables ou simplement on donne la possibilité de proposer des définitions alternatives. Charge alors de reprendre les travaux de démonstrations pour vérifier si ces énoncés alternatifs seraient corrélés avec des mesures.

La démarche en soi de chercher à mesurer des corrélations entre des réalités définies (celles qu’on introduit et celle qu’on obtient en résultat) est évidemment fort utile. Trop de modèles, de méthodes, de démarches ne sont fondés que sur des expériences personnelles ou des croyances. On semble entrer ici dans l’âge scientifique.

Enfin je souligne à nouveau cette idée qu’une transformation n’est pas tant un programme qu’un effort continu d’expérimentations. Le rôle d’un coach/leader/facilitateur devient un rôle de fond, au long cours. Il promeut, sollicite et recadre les expérimentations avec les équipes.

Partagez cet article
Frédéric

Frédéric

Manager / Coach Agile

< Retour à tous les articles