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Juil 6, 2023

L’adoption de MiCA, une avancée majeure dans la régulation des crypto-actifs

En préparation depuis fin 2020, le feuilleton MiCA (Market in Crypto Assets) arrive enfin à son terme. Le texte de loi européen sur la réglementation des crypto-actifs a fait l’objet d’un ultime vote lors du dernier Conseil des affaires économiques et financière le 16 mai, après l’accord du parlement européen fin avril dernier. A l’unanimité, les ministres des Finances des 27 états membres l’ont approuvé sans grande surprise.

Amérique, Asie, Europe, c’est une véritable course qui est lancée à l’international pour attirer les futurs investisseurs et innovateurs cryptos et cela passe par un cadre juridique clair et précis. Historiquement, l’Union Européenne a souvent été pionnière en matière de régulation et c’est de nouveau le cas avec cette réglementation.

Alors, qu’en est-il de cette fameuse loi MiCA tant attendue ? Est­-ce le catalyseur qui manquait aux professionnels du secteur ? Rien n’en est moins sûr pour l’heure même si le texte apporte de nombreuses clarifications, à commencer par les catégories d’actifs.

Source : https://cryptonaute.fr/crypto-mica-vote-le-14-mars/

 

La classification des actifs selon MiCA

 

Le texte classe les crypto-actifs en trois catégories :

  • Les e-money tokens ou jetons de monnaie électronique, qui visent à stabiliser leur valeur en se référant à une seule monnaie officielle comme l’USDT de Tether.
  • Les asset-referenced tokens (ART) ou jeton se référant à un ou des actifs, qui visent à stabiliser leur valeur en se référant à une autre valeur ou une combinaison de valeurs. Parmi cette catégorie, on retrouve notamment les stablecoins algorithmiques.
  • Tous les autres crypto-actifs qui ne sont pas dans les deux premières catégories notamment les jetons utilitaires.

 

CASP, le nouveau statut européen

 

Les acteurs proposant des services sur crypto actifs devront s’enregistrer auprès de l’ESMA, l’autorité européenne des marchés, en tant que CASP (Crypto-Asset Service Provider), un nouveau statut européen. Déclinaison européenne du PSAN (Prestataire de Services sur Actifs Numériques) français, ce statut deviendra obligatoire pour tous les prestataires dès la mise en vigueur de MiCA.

Concernant les attendus du statut, tous les prestataires devront renforcer leurs outils sur la lutte contre le blanchiment, connaître l’identité de leurs clients (KYC), avoir son siège statutaire dans un Etat membre ou encore rédiger un livre blanc détaillant les informations importantes.

A noter qu’un statut particulier est conféré aux prestataires jugés comme « importants », ceux dont la base de clients dépasse les 15 millions d’utilisateurs au sein de l’UE. Pour ces professionnels, des dispositions supplémentaires seront appliqués notamment sur les contrôles de trésorerie.

L’unification de tous les statuts européens en un seul va venir faciliter les démarches des institutionnels qui ne vont avoir besoin que du statut CASP pour venir proposer leurs services sur l’ensemble des territoires des Etats membres.

Par exemple, Binance est enregistré dans 7 pays de l’UE différents (Suède, France, Italie, Lituanie, Espagne, Chypre et Pologne) et avait, pour ce faire, entrepris une démarche d’enregistrement unique dans chaque pays. Désormais, l’entreprise va pouvoir entreprendre une seule démarche, l’agrément CASP, afin d’être enregistrée dans tous les États membres.

Cependant, il est important de noter que toutes ces démarches administratives ont un coût pour les entreprises. Ainsi, les startups pourraient être contraintes de se délocaliser faute de moyens financiers suffisants pour se réguler ce qui risque d’entraver l’innovation.

De plus, certaines entités comme les établissements de crédit, les dépositaires centraux de titres, les entreprises d’investissement et quelques autres professionnels sont déjà bien encadrés et régulés. Par conséquent, ces sociétés n’auront pas besoin d’être de nouveau agréées pour délivrer des services de crypto-actifs, ce qu’ils leur confèrent un avantage concurrentiel sans précédent.

 

Les stablecoins, une classe d’actifs fortement réglementée

 

Au-delà de devoir être enregistré en tant que CASP, des restrictions supplémentaires sont appliqués pour les émetteurs de stablecoins représentés par les e-money tokens et les ART.

A l’avenir, cette catégorie d’actifs pourrait être une menace à la stabilité financière européenne d’après MiCA, c’est pourquoi des mesures plus sévères sont imposés aux émetteurs de ces jetons.

En effet, les émetteurs de stablecoins seront soumis à plus d’audits de contrôle sur la gestion de leur réserve d’actifs et de leurs fonds propres pour améliorer la transparence et protéger les utilisateurs, un besoin vital après les récentes faillites de FTX et de Terra Luna.

Toutefois, certaines exigences sont beaucoup trop sévères envers cette classe d’actifs. L’ABE, l’Autorité Bancaire Européenne, a notamment le pouvoir de venir délibérément stopper l’émission d’un stablecoin si le nombre de transactions journalières est supérieur à 1 000 000 ou si le volume journalier est supérieur à 200 000 000€.

A titre de comparaison, les stablecoins dollars leader du marché (UDST, USDC…) enregistrent des volumes quotidiens de plusieurs milliards de dollars, bien au-dessus des limites définies par l’UE. Les prochains stablecoins euro ne devraient donc pas faire beaucoup d’ombre aux américains.

D’ailleurs, ces restrictions ne sont pas si étonnantes que cela car la volonté des régulateurs est avant tout de conserver le contrôle monétaire en limitant la concurrence privée, une démarche perceptible à l’approche du déploiement de la MNBC (Monnaie Numérique de Banque Centrale) européenne. François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, a annoncé à Vivatech que l’Union Européenne travaille sur douze modèles expérimentaux de cet actif ce qui ne laisse aucun doute quant à la mise en place dans les années à venir d’un e-euro.

 

Un premier pas réglementaire oui, mais loin d’être parfait

 

MiCA se positionne donc comme une première brique dans le gros chantier qu’est la régulation des crypto-actifs.

De manière globale, les mesures prises vont renforcer la protection des consommateurs en soumettant les prestataires à plus de contrôles et de transparences sur leurs activités.

L’adoption de la réglementation européenne va attirer les institutionnels qui sont en recherche d’un cadre juridique clair et précis. Parmi eux, Coinbase, Binance ou encore Gemini ont d’ores et déjà annoncé vouloir renforcer leur positionnement au sein de l’UE, des décisions d’autant plus motivées par la répression américaine qui pousse de gros acteurs à déménager.

En effet, les régulateurs américains n’ont pas pris au sérieux le sujet et de nombreux institutionnels supplient actuellement la commission de rédiger et proposer une règlementation américaine sur les crypto-actifs, menaçant au passage sa position de leader du marché.

Cette guerre déclenchée entre régulateurs et professionnels aux Etats-Unis est bénéfique à l’UE qui, avec l’adoption de MiCA, propose un point de chute pour ces institutionnels américains en quête de clarté juridique et d’assainissement de l’écosystème.

Cependant, cette règlementation pourrait être à double tranchant et tout n’est pas rose, bien loin de là. Certes, l’Union Européenne avance sur ce sujet primordial mais à quel prix ?

Dès sa première version, de nombreux professionnels du secteur avaient alarmé le parlement européen sur quelques règles jugées bien trop pénalisantes pour les acteurs de l’écosystème, des alertes qui ne semblent pas avoir été entendues.

Selon eux, le scénario inquiétant serait de revivre celui d’Internet avec une minorité de sociétés qui peuvent se conformer aux règles laissant place à l’apparition de nouveaux géants qui viendraient contrôler le marché à la manière des GAFAM.

De plus, les plateformes régulées pourraient se retrouver non-compétitives face aux plateformes off-shore non conformes en raison d’aucune mention du principe de sollicitation inversée. Dès lors que cela révèle de son initiative, rien n’empêchera un utilisateur européen de se connecter à des plateformes étrangères comme Kraken ou OKX. Au-delà de l’aspect compétitif, c’est également la protection des consommateurs qui inquiète. Ils devront donc redoubler de vigilance pour ne pas tomber dans des pièges de type FTX ou Terra Luna.

Le sujet des stablecoins est également très inquiétant et les mesures prises semblent écartés tout développement européen. Les réseaux de paiements sur blockchain se démocratisent et pour la souveraineté européenne, il serait capital de voir des stablecoins euros circulés sur ces réseaux.

Pour l’heure, ces scénarios ne sont que des spéculations et MiCA ne rentrera en vigueur qu’à la mi-2024. En revanche, l’attrait des institutionnels envers cette nouvelle classe d’actifs est lui certain et se mesure au quotidien depuis l’annonce de l’adoption de la réglementation. Récemment, CACEIS, la filiale du Crédit Agricole, a obtenu le sacrosaint PSAN qui va lui permettre de proposer, à ses clients, des services sur crypto-actifs, une excellente nouvelle pour l’écosystème.

La compétition est rude et le rayonnement européen sur le marché des cryptos-actifs va être durement mis à l’épreuve par d’autres nations bien avancés également sur le sujet de la régulation. C’est le cas notamment des Emirats ou encore d’Hong-Kong, deux territoires qui viennent de faire du marché des cryptos une de leur priorité en proposant un cadre juridique très propice au développement de ces activités.

A l’heure où l’adoption se généralise, chacun veut prendre sa part du gâteau et la stratégie américaine de réguler par la force redistribue complètement les cartes. Difficile pour l’instant de dire si l’UE va pouvoir tirer son épingle du jeu, affaire à suivre.

 

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Andy

Andy

Ingénieur Blockchain

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